Le temps du cynisme et des injustices : la question des 1607 heures des personnels BIATSS

La question des 1607 heures des personnels BIATSS (avec l’EPE) est symptomatique de la tentative de banalisation des spécificités du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche voulue par la tutelle et relayée par la Présidence.

Les établissements d’enseignement supérieur fondent leurs règlements internes de la durée du temps de travail sur la circulaire ministérielle n° 2002-007 du 21 janvier 2002 relative aux obligations de service des personnels IATOSS qui prévoit effectivement des déclinaisons des 35 heures pour les personnes Biatss. Il s’agissait à l’époque de compenser les manques à gagner indemnitaires par des aménagements du temps de travail.

Cette circulaire est contestée depuis de nombreuses années par la Cour des comptes. Dans son rapport de 2019, elle en recommandait déjà l’abrogation et invitait le ministère à faire du respect de la durée annuelle légale du temps de travail l’un des éléments du dialogue de gestion avec les établissements d’enseignement supérieur et l’un des objectifs des contrats de sites correspondants.

En janvier 2024 (Référé n°S2023-1143 ),  la cour a réitéré ses recommandations et a invité à lier la question du temps de travail à la revalorisation indemnitaire de l’IFSE et d’inscrire ces éléments dans les contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) des universités afin de les inciter fortement à s’engager sur la voie de l’augmentation du temps de travail de leurs personnels non enseignants. L’idée est simple : faire en sorte que l’opération soit globalement neutre sur le plan financier. Comment ? En créant les conditions pour que les agents payent eux-mêmes leur augmentation (pas de salaire, bien sûr, mais de prime, laquelle n’est pas prise en compte pour le calcul de la retraite…).

Un quelconque effet contraignant direct pour nous ? Non. Une urgence particulière à mettre à exécution, le petit doigt sur la couture, les préconisations de la Cour des comptes ? Non. Pas plus de contrainte ni d’urgence qu’il y a cinq ans et, en tous cas, rien qui justifie l’absence totale d’un vrai dialogue social sur une question si sensible pour les personnels. Quel peut être, pour la Présidence, l’intérêt à un tel empressement ? Un accord avec la tutelle ? S’en assurer les bonnes grâces en jouant les bons élèves et en remettant les agents Biatss dans le rang au son du clairon ? La concomitance de ce calendrier avec celui de l’EPE est pour le moins troublante… Une chose est sûre, comme dans toute bataille, le mieux est de diviser pour mieux régner en exploitant si possible les fragilités de celui qu’il convient de circonvenir. 

En s’inspirant d’ailleurs des recommandations de la Cour des comptes, trois scénarios ont été proposés aux collègues par la présidence : 

  • une option 1 de conservation du temps de travail sans revalorisation de l’IFSE (cette nécessité impérieuse impose… de ne rien changer, quitte à n’y plus rien comprendre).
  • une option 2 d’augmentation du temps de travail hebdomadaire d’une heure quarante contre une revalorisation de l’IFSE (le fameux “travailler plus pour gagner plus” est de retour).
  • une option 3 de diminution du nombre de jours de congés contre une revalorisation de l’IFSE (enfin du nouveau : “gagner plus en travaillant plus”!). 

Les agents nouvellement entrant dans l’établissement n’auraient le choix qu’entre les options 2 et 3.

Injustice et cynisme se conjuguent, par conséquent, dans le conditionnement d’une revalorisation de l’IFSE à l’obtention d’un accord sur les options présentées ci-dessus alors même que cette revalorisation aurait dû avoir lieu il y a deux ans déjà .

Face à la mobilisation des personnels Biatss, le CSA a refusé l’augmentation du temps de travail. Il n’y aura donc pas de revalorisation de l’IFSE alors que le jeu de la clause de réexamen l’imposait depuis deux ans… Apparemment, une belle enveloppe avait été budgétisée par la présidence… Qu’importe ? Il se dit que les collègues Biatss attendront le BR 2 de 2025. Nul doute que, pour la présidence, d’ici là le fruit sera mûr et tombera tout seul dans le panier : faute d’être entendus, les agents capituleront.

Nos propositions : 

  • Des assises sociales (sur cette question et toutes les autres) pour l’ensemble des personnels de l’établissement afin de débattre et de traiter les enjeux de manière collective, prospective et positive. Depuis 2002 nos métiers ont considérablement évolué et on peut faire le constat que les charges se sont accrues. On ne peut pas envisager de discuter du temps de travail en faisant l’économie d’une réflexion sur la nature de nos missions et sur la manière de les accomplir au mieux, c’est-à-dire dans la satisfaction partagée des aspirations des agents et du service rendu au public.
  • Nous sommes une communauté humaine de mission, de travail et de destin.  Faisons donc vivre cette réalité en traitant les questions sociales dans le dialogue, de manière politique (et non pas purement administrative), commune et en transparence. Cela demande du temps et des moyens. Nous créerons donc pour ce faire une Vice-présidence dédiée pour en finir avec une gestion anormalement différenciée des conditions de travail et des carrières.

Le groupe Renouvelons les Énergies

Pour une vraie politique des personnels

« Des postes et des mètres carrés ». Tel était le mantra de la direction actuelle quand elle s’est présentée à nos suffrages voilà quatre ans. L’affaire était simple. Trop simple. Depuis quatre ans, le combat pour l’ouverture de postes de titulaires s’est fait sabre au clair… sur un malentendu : notre ministère de tutelle a bien autorisé ces créations, grâce au rehaussement du plafond 1 (plafond État), mais sans jamais allouer à l’université les financements nécessaires. Car un fonctionnaire, et c’est bien normal, évolue dans sa carrière. Car le point d’indice, et c’était bien légitime, a été rehaussé. 

Avec un budget globalisé, permettant quelques tours de passe-passe, et quelques formules bien tournées destinées à rassurer notre communauté, la direction s’est engagée tambour battant et la fleur au fusil sur une pente qu’il va maintenant être bien difficile de remonter. 

Le déficit de l’établissement apparaît désormais structurel (en moyenne 6 millions d’euros annuels sur les trois années 2022, 2023, 2024), à la grande satisfaction de l’équipe en place, fière  de faire preuve de “courage politique” en “affichant la vérité des prix”

Seulement voilà, cette option n’a été possible qu’en puisant chaque année dans les réserves (fonds de roulement) constituées par d’autres… Tout a une fin, le courage à crédit également. Désormais la capacité d’autofinancement de l’établissement est plus que nulle, elle est négative de 4 millions, et le fonds de roulement résiduel s’élève à moins de 5 millions. 

Cet automne, la présidente l’a dit lors de la dernière assemblée générale, le budget sera discuté en amont avec le rectorat. Habile mise sous tutelle qui ne dit pas son nom. On entend l’échange poli : « Que faisiez-vous au temps chaud ? […] Je créais des postes, ne vous déplaise. Vous créiez ? J’en suis fort aise. Eh bien ! Assumez maintenant. »

Exsangue, notre université va devoir faire des choix, des choix contraints, des choix qui vont nous être imposés et priver la communauté de sa liberté d’action, de création. Qui peut penser que c’est un hasard s’il nous « faut », maintenant et dans l’urgence, traiter la question du temps de travail et des primes des personnels BIATTS ?

Pour maintenir les apparences, la présidence rogne désormais sur tout et hypothèque notre avenir en mettant, par exemple, un coup d’arrêt brutal aux opérations immobilières et plus largement aux investissements. Or, une université qui n’investit pas est une université qui meurt. Reste la course en avant : l’EPE dans l’espoir d’hypothétiques financements supplémentaires du ministère.

Ce combat pour des postes ne devait-il donc pas être mené ? Si, sans aucun doute: il faut plus de postes. Mais pour une raison surtout : pour que les personnels, contractuels ou titulaires, administratifs, chercheurs ou enseignants, soient unis dans une communauté de destin, regagnent des conditions de travail dignes et retrouvent le sens de leurs missions. Malheureusement le rythme des départs (de contractuels comme de responsables de services), la gestion carrément népotique de certains repyramidages notamment, le peu de place laissée aux composantes et, de manière générale, à la collégialité dans la gestion des ressources humaines et dans la structuration administrative de l’établissement, montrent le peu d’intérêt de la direction actuelle pour ces enjeux pourtant essentiels.

La distribution inéquitable des créations de postes réalisée grâce au fonds de réserve améliore certes le taux d’encadrement, mais elle maintient les inégalités, preuve évidente d’une absence de stratégie politique claire. En outre, à défaut d’être réfléchie, elle est conduite dans la plus grande opacité. 

Au contraire, en toute transparence, fidèles à nos engagements et attachés à notre établissement et à son avenir, tous nos élus ont toujours fait des propositions constructives dans les conseils. C’est bien dans cet esprit que nous souhaitons continuer à défendre l’intérêt de notre communauté universitaire.

Pour retrouver du sens, pour construire ensemble un projet engageant, fédérateur et novateur, notre ambition vise notamment à : 

  • Faire vivre le dialogue social en créant une vice-présidence Carrières et Régimes des personnels pour une politique véritablement responsable, transparente, volontariste, et enfin inclusive et pluriannuelle au service de toutes les  missions de l’université et de tous ses personnels.
  • Engager une discussion avec l’ensemble des personnels pour redéfinir une politique d’attribution des primes. Il n’est pas normal que le système des primes, en soi déjà fort discutable, vienne creuser les inégalités au sein de notre communauté.
  • Encadrer la procédure de repyramidage E-C en privilégiant l’ouverture du concours aux sections où il existe déjà plusieurs candidats, en tenant compte bien entendu des spécificités de chaque section, et engager une réflexion sur l’opportunité et le bien-fondé de cette procédure de repyramidage dont l’effet pervers est la disparition d’un nombre conséquent de supports de maître·ss·es de conférences et donc le tarissement de débouchés pour les jeunes docteur·e·s.

Le groupe Renouvelons les Énergies